La Famille Hugel est la plus ancienne entreprise alsacienne. Fondée en 1639, elle a traversé les âges et les crises grâce à l’export et à son statut d’entreprise familiale estime son dirigeant, Jean-Frédéric Hugel.
Lorsque Jean Frédéric Hugel a répondu à nos questions, il rentrait tout juste du Riesling Rendez-Vous de Seattle. Cet événement a réuni une centaine des plus grands producteurs de Riesling de la planète. S’il semblait très satisfait, l’Alsace peut l’être aussi. La Famille Hugel a réussi à conquérir de nombreux pays étrangers avec ses vins et fait briller la région à l’échelle internationale. Mais comment une entreprise peut-elle survivre, générations après générations ? Allons à la découverte de cette famille de viticulteurs qui compte 40 employés, produisant entre 850 000 et 1 million de cols chaque année, pour un chiffre d’affaire de plus de 6 millions d’euros.
Pouvez-vous présenter la maison Hugel ?
Jean Frédéric Hugel : Hugel, fraîchement renommée Famille Hugel, est une entreprise viticole familiale fondée en 1639 et à la tête de 30 hectares de vignes, localisées à Riquewihr, et complétées d’une activité de négoce pour l’équivalent d’une centaine d’hectares. Notre entreprise de 40 employés exporte 90% de sa production vers 94 pays.
La maison a très tôt été tournée vers l’exportation. En effet, l’Alsace en tant que région a souvent vu son salut dans le commerce extra frontalier. Avec les tourments de l’histoire, cette philosophie s’est vue souvent mise en danger, parfois remise en question. Mais elle qui nous permet à l’heure actuelle de représenter les vins d’Alsace à l’étranger en étant souvent la première bouteille qu’un amateur de vin ouvrira.
Comment votre maison a-t-elle fait pour passer les siècles ?
Jean-Frédéric Hugel : La maison, plus que sur une stratégie, est fondée sur une passion, celle du vin et de cette région qui lui donne la vie. La longévité de l’entreprise est due aux générations successives. Elles ont placé leurs espoirs dans la terre de Riquewihr et ont refusé de la quitter malgré les guerres, les périodes de vache maigre et les difficultés de l’Histoire, grande et petite. Cet espoir que notre terre peut et doit nourrir encore nombre de générations de Hugel est à la base de cette vision à long terme, qui bannit le profit à court terme et favorise l’investissement, le soin de la terre. Après tout, quand on plante une vigne, c’est souvent la génération suivante qui en récoltera le plus beau fruit.
Quels coups durs le domaine Hugel a-t-il rencontré ?
Jean-Frédéric Hugel : Ils ont été nombreux, chaque génération a son lot de difficultés. La guerre de Trente Ans pour la première, les guerres mondiales, franco-prussienne… Et le passage douloureux sous nationalité Allemande qui s’en est suivi, instaurant un boycott des vins Alsaciens et des droits de douane confiscatoires à l’exportation.
Les périodes sans récoltes liées au phylloxéra au début du XXe siècle sont sans doute les plus dures. Le travail de la vigne est exigeant, ne pas en voir le fruit doit être extrêmement dur ! La compétition entre le vignoble des coteaux et celui de la plaine, productif et peu qualitatif mais facile à travailler, dans les années 1800 trouve aujourd’hui un écho particulier. Pour ma part, la disparition soudaine de mon père restera, je pense, le coup dur de ma génération, ou du moins personnellement.
Quelle est votre stratégie pour continuer à vous développer après autant d’années ?
Jean-Frédéric Hugel : La mondialisation est vue par beaucoup comme une menace, le morcellement des parcelles, les coteaux pentus empêchant la mécanisation et le coût de main d’œuvre nous interdisent les coûts de production des régions émergentes du nouveau monde. D’un point de vue purement mercantile, nos prix ne sont pas compétitifs.
Mais l’Alsace possède des atouts inégalés dans le monde du vin, son climat et sa géologie unique en font une région viticole de premier plan. Le morcellement des parcelles instauré par nos prédécesseurs, s’il est singulier, suit rigoureusement les failles géologiques. Nos vins sont des vins de terroir, ce mot galvaudé reprend en Alsace sa vraie signification, ils tirent leur singularité du sol et démontrent leur noblesse par leur capacité à la garde prolongée. Le dénominateur commun des grands vins.
Quelles ont été les grandes étapes de votre développement ?
Jean-Frédéric Hugel : De la fondation à nos jours, la famille a été pour partie à l’origine du retour aux cépages nobles après la Seconde Guerre mondiale, à l’origine des Vendanges Tardives et des Sélection de Grains Nobles en 1984. Dans l’entre deux guerres, Emile et son fils Jean ont exporté les vins aux USA, après la prohibition, ainsi qu’au Brésil et en Angleterre à cette même période. Cet élan a été une des étapes fortes dans la construction de notre nom et de notre marque.
Antoine Kuhn
Domaine Hugel / 3 rue de la Première Armée à Riquewihr / www.hugel.com / Tél : 03 89 47 92 15 / Facebook / Twitter