Monter sa boîte est un parcours du combattant, source d’autant d’angoisses que de satisfactions. Les entrepreneur(e)s qui nous lisent, vous approuvez ? Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblait ce parcours du combattant quand, en plus, les entrepreneur(e)s viennent d’un milieu et/ou d’un quartier populaire ? Nous oui. Nous avons interrogé deux organismes :
– L’Adie, qui octroie des micro crédits et accompagne les porteurs de projets
– Positive Planet Mulhouse, association spécialisée dans l’accompagnement des porteurs de projets habitant dans les quartiers prioritaires de la ville.
Disons le tout de suite : cette petite enquête a été aussi passionnante que surprenante. A commencer par les freins rencontrés par ces entrepreneur(e)s. Vous pensez en 1er à l’aspect financier, pas vrai ? « Et bien non, s’amuse Philippe Huffling, responsable de l’antenne Positive Planet Mulhouse. Selon moi, le premier obstacle vient de la personne elle-même et de son entourage. »
« Les personnes intéressées par l’entrepreneuriat peuvent manquer de confiance dans leur capacité à monter un projet et à le développer. C’est particulièrement vrai pour les femmes. »
Lucile Rogations, déléguée de territoire à l’Adie Grand Est, antenne de Strasbourg, approuve : « Non seulement les porteurs de projets dont les parents sont salariés envisagent moins l’entrepreneuriat mais, en plus, leur entourage les incite parfois davantage à trouver du travail. Car la création d’entreprise reste risqué, il n’y a pas de sécurité en cas d’échec (1) . »
De quoi casser des vocations alors qu’un projet entrepreneurial réaliste peut aboutir en étant bien accompagné… Sauf que… Dans les quartiers prioritaires de la Ville, la défiance des habitants envers les institutions s’avère aussi un frein à l’entrepreneuriat.
« Ils ne vont pas oser parler de leur envie d’entreprendre à leur conseiller Pôle Emploi par exemple. Et inversement, les structures locales ne savent pas toujours s’y prendre avec eux. Elles les orienteront moins facilement vers l’entrepreneuriat. »
Ajoutons à ces barrières celles de la langue et du diplôme. « Nous accompagnons beaucoup de personnes d’origine étrangère dont le diplôme n’est pas valable en France. La mauvaise maîtrise du français est aussi problématique pour comprendre les formalités juridiques et administratives. Et défendre leur demande de crédit auprès d’une banque. Sans oublier les préjugés et les discriminations…
Comment créer sa boîte quand la banque refuse un prêt ? L’Adie a été créée pour y remédier. Mais les entrepreneur(e)s savent aussi contourner le problème. Ils se lancent sur internet, travaillent à domicile, trouvent des locaux moins chers…
Entrepreneur(e) de milieu populaire, aussi un atout
Une fois l’entreprise lancée, la solidarité au sein d’un quartier et/ou de la famille joue un rôle extrêmement important. Philippe Huffling (Positive Planet) souligne aussi les « qualités humaines » de ces entrepreneur(e)s : capacité à s’entourer dans les moments difficiles, à) gérer les périodes de doute, persévérance, débrouillardise… Ils trouvent des astuces au quotidien pour s’en sortir, même dans les situations précaires. »
Et question motivation ? « Ils ont quitté leur pays, parfois seul(e)s, pour construire un meilleur avenir. Certains n’ont peur de rien, répond Lucile Rogations. Sans oublier que la culture entrepreneuriale est très forte, notamment en Afrique, où le salariat reste moins développé qu’en France. »
Philippe Huffling va même plus loin :
« Certain(e)s se retrouvent dos au mur. Créer leur entreprise est la solution ultime pour s’en sortir. La motivation est très différente d’un entrepreneur qui souhaite concrétiser une idée ou être son propre patron.
Le fait de parler plusieurs langues est aussi un atout pour ces entrepreneur(e)s. De là à envisager la création d’entreprise comme un remède au chômage, qui touche particulièrement les habitants des QPV et les jeunes, il n’y a qu’un pas… Que Philippe Huffling nuance immédiatement : « Dans le cadre d’un recrutement, le lieu d’habitation et l’origine du candidat peut être source de discrimination. Mais lorsqu’un entrepreneur(e) démarche ses clients, ceux-ci ne regardent avant tout l’offre commerciale et l’expérience. La création d’entreprise peut être une solution… Mais pas pour tout le monde. »
Cela peut aussi être une manière de connaître ses premières expériences professionnelles, de créer ou développer son réseau, pour mieux trouver un emploi par la suite.
Découvrez toute cette semaine des portraits d’entrepreneur(e)s issus de milieux populaires :
– Glaundiola Palushi, une vie à reconstruire par l’entrepreneuriat (L’Ola Services)
– Natacha Campanale, de la cité minière à l’entrepreneuriat
– Marine Scheidegger, surmonter pour entreprendre (E.D.I.)
Retrouvez également, la semaine prochaine, des articles plus complets sur Positive Planet Mulhouse, l’Adie et Cité Lab.